Ce à quoi j’ai échappé… par bonheur

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S'il advenait que je reçoive d'un président Américain, qu'il fut de Droite Gauche ou de Gauche Droite, une invitation à participer à une grande tournée artistique à travers ses vastes États-Unis, je me verrais dans l'obligation de lui retourner, avec infinie courtoisie s'entend, l'aimable réponse dont voici la teneur : Monsieur le Président et Cher Ami, J'ai bien reçu votre invitation pour le Grand rodéo inter galactique auquel vous avez l'extrême délicatesse de me convier et vous en remercie. Consultant sans attendre le document relatif à l'inscription des artistes, j'y ai retenu les conditions proposées. Celles-ci me conduisent à formuler quelques observations. Comme vous ne pouvez l'ignorer, je suis domicilié dans un petit village situé au cœur de la France, dans le canton de Treignac, département de la Corrèze. Autrement dit à 6102 kilomètres, soit 3791 miles or 3294 nautical miles de New-York. Vous pouvez calculer vous-même ce que représente l'aller-retour. Ceci exige beaucoup trop d'heures de conduite automobile, sans parler du nombre de journées. Quant au poids de Kalachnikof de mes textes dans la housse de ma guitare ! Non ! Franchement... C'est un effort de titan. Sur une telle distance, mes chansons ne tiendraient pas le choc. Par ailleurs, le coût estimé pour couvrir ce trajet est, selon vos informateurs de la CIA, de 21,10 €uros avec un VL 6 CV au tarif Michelin, 20,78 € pour Mappy et 96,492 € en référence au barème des frais de déplacements routiers du Ministère français du Budget incluant l'usure du véhicule. Si l'on se base simplement sur la moyenne des trois figures, cela me reviendrait à : (21,10 € + 20,78 € + 96,492 €) : 3 = 46 € environs. Je crains par conséquent qu'il y ait erreur dans les calculs de vos services. De surcroît, les repas ne sont pas offerts par les organisateurs et les emplacements pour chaque concert seraient à ma charge. Les ventes de mes disques sont aléatoires, rarement supérieures à 2 exemplaires par prestation et je peine à remplir les salles. La conjoncture économique actuelle plombe les budgets culturels des familles aux revenus les plus modestes, mais sans doute n'aviez-vous pas perçu cette réalité, certes un peu brutale, lors de la programmation de votre Grand rodéo musical. Le chômage et la dépression n'épargnent pas votre pays non plus ces temps-ci à ce qu'en disent quelques mauvaises langues. Certes. Mais je n'en crois pas moins opportun de vous rappeler qu'un chanteur, un écrivain, comme un peintre, un plasticien, un musicien, un comédien, n'est pas un commerçant mais un créateur, un animateur de la culture vivante. Aucun rodéo musical ou littéraire ne saurait donc se concevoir selon des critères comparables à ceux d'une manifestation à seule destination commerciale ordinaire. Par sa seule présence, l'artiste valorise un événement. Il n'a pas à être « rentable ». Je suis donc dans l'obligation, Monsieur le Président, de formuler une réponse négative à votre généreuse invitation. Cette tournée à travers les merveilleux espaces de votre incomparable continent me manquera beaucoup. Je renonce donc avec un infini regret à aller chanter pour vous à Las Vegas. En vous renouvelant mes remerciements, et souhaitant pleine réussite à ceux qui participeront, à leurs frais, pour ne pas dire à leurs dépens, à votre entreprise, j'espère vous avoir ouvert les yeux en vous priant de croire, Monsieur le Président, en l'assurance de mes sentiments originaux les meilleurs.